(Emmy cette herbe...)
Le coffret d’onyx
I
(Emmy cette herbe)
Emmy cette herbe odorante
Bien fleurante
Où se meslent confondus
Les ruysselets d’argent pâle
Et d’opale
Comme du lait répandu,
Vécy l’aube pourperette
Novelette
Qui, les yeux encore sillés,
Doucement ses pieds nus pose
Comme roses
Dessus les gazons mouillés.
Le vent danse ses carolles
Aux corolles
Des aubépins rousoyants,
Et s’esjouyt et caquette
L’alouette
Son ailerette esployant.
Butinant, la fine avette
Aux cuissettes
Porte déjà son Thrésor
Et dessous cette lambruche
Vers sa ruche
A dirigé son essor.
La flûte avec la musette
Aigrelette,
Résonne dans l’air léger
Et l’aignelet blanc qui besle,
Entremesle
sa plainte au chant des bergers.
L’aegypan dedans la vigne,
Roux, trépigne
En accordant ses pipeaux
Et sus ses cornes mutines
L’églantine
Tresse en odoreux bandeau.
Aux forêts chèvrefeuillées
Eveillées,
Il n’est chênes ni ormeaux
Où la tendrette rosée
N’aie glissée
Au long des luisants rameaux.
*
Ces vers-cy, je les engrave
D’un coeur grave
Au tronc de cet orme gris;
Puisque moi seule je passe
Et m’efface
Alors que tout refleurit,
Je confie à cette escorce,
Dans sa force,
Le vain désir qui m’espoint;
Puisse un peu de ma pensée
Enchassée
Me survivre par ses soins.
Qu’on me couche sous la mousse
Fraîche et douce
A l’ombrage de ce tronc;
Puissent monter en la sève
Tant soèfve
mes sens qui s’évanouirent.
Au ciel bleu qui les accueille,
Dans les feuilles,
Mes mains pâles se tendront
Et mes yeux verds, au réveil
Du soleil,
Par les bourgeons s’ouvriront.
14 avril 1903
Par l'Amour, 1904.