(Je m'assiérai)
(Je m'assiérai...)
Je m'assiérai au pied d'un chêne
Pour écouter la chute vaine
Des feuilles dans le soir mourant.
Rongeant la mousse et la bourdaine,
J'écouterai, qui les ravine,
L'eau s'écouler en soupirant;
S'éffacer aux combes baignées
D'ombre, le rythme des cognées
Qui trouble le bois endormi;
Sous la hache qui le dépèce
Le hêtre qui penche et s'affaisse
Et son cri lentement gémi,
Comme sorti d'une âme humaine.
J'écouterai craquer les faînes,
Et les glands avec un bruit doux
Tomber en frôlant l'herbe sèche,
Puis tout à coup la pie-grièche
Eclater de rire. Dessous
La mousse, dans son trou humide,
Le mulot rentrer et, fluide,
Aux rameaux pourris déchirant
Ses lambeaux, crépiter la brume.
Las! tout s'éteint et se consume....
O mon coeur, pélerin errant,
Dépose ton bourdon, ta gourde
Et le manteau. Voici la tourbe
Où le ruisseau s'anéantit,
Dans la paix des choses qui meurent
Entre comme en une demeure,
Mulot sous la terre blotti.
Aux sources que la ronce obstrue
Et s'engourdissant sous la crue
Des feuilles rousses, mire-toi.
Pareil à ce méchant érable,
Toi que lasse l'insaisissable
Rêve, vers l'ombre courbe-toi.
Libéré surtout de toi-même,
Sois cet inconscient poëme:
Au creux des serpolets velus
L'eau de mystère et de silence
Et d'où nul sanglot ne s'èlance,
L'eau qui dort et ne souffre plus.
Par l'Amour, 1904