La halte
Le sens de la vie
La halte
Comme un cheval cabré que l'on saisit au mors,
Frémissant et rebelle et que l'on brutalise,
Tel, mon coeur violent, je contrains ton essor,
Ma dure volonté âprement te maîtrise.
Vers le parc enchanté où pleuvent des cythises,
Où s'envolent des paons frôlant les grappes d'or,
Où le baiser profond ardemment s'éternie
Du Cygne et de Léda mirés à l'eau qui dort,
J'arrête ton élan! Brise-toi, misérable
Coeur, et tais-toi, muet ruisseau parmi le sable
Infiltrant son flot noir! - Tu ne l'atteindras pas
L'odorante prairie où l'Idéal magique,
Cheveux roux, doigts d'ivoire et verte dalmatique,
Dans la houle des foins vermeils t'ouvre les bras!
Par l'Amour, 1904.