Marie Dauguet

Cantique au bien-aimé de la reine de Saba

Rayons

 

Cantique au bien-aimé de la Reine de Saba

 

"Je te ferai boire un vin parfumé."

Cantique des Cantiques

 

Bienheureuse , ô mon amour, la main qui te touche,

Bienheureuse la bouche qui s'attache à ta bouche,

Qui goûte tes baisers semblables à l'encens,

Au cinname, à l'odeur des pêches mûrissant.

 

Tu es un lys altier au jardin de l'aurore,

Un rosier flamboyant que le couchant décore

Et, flot mystérieux où s'abreuvent les faons,

La source au pied d'un cèdre et que l'ombre défend.

 

Tu es, ô bien-aimé, la divine fontaine

Fleurant le thym, l'anis, le miel et la verveine;

Le puits de l'oasis que les noirs chandeliers

Devinent dans la nuit sous les troncs des palmiers.

 

Tu es comme un chèvrefeuille dans la rosée,

Comme un parfum de vigne en Mai; comme, irrisées

De matinal soleil, se mirant à l'étang,

Les campanules aux calices éclatants.

 

Les touffes des genêts, les lavandes fleuries,

Et ton corps est pareil à l'herbe des prairies

Quand la lune y répand en onduleux reflets

Ses rayons pâlissants sous les bleus serpolets.

 

Ta voix a la fraîcheur des flûtes bucoliques

A qui l'écho lointain au fond du soir réplique

Et ton regard puissant m'émeut plus que l'accord

Voluptueux des tambourins et des kinnors.

 

Tu es parmi mon coeur comme un figuier qui penche

Et dont les fruits nombreux font s'écrouler les branches;

Comme le rampement nerveux des pampres d'or

Où pend la grappe ardente et que l'abeille mord.

 

Tu es fort, mon amour, et mon corps brisé ploie

Quand tu m'emportes dans tes bras comme une proie.

Tel un soleil brûlant pesant sur les blés roux,

Ton corps est lourd et ton geste d'amour plus fou

 

Qu'à la cime des pins l'élan du vent sauvage;

Tu es le léopard au rutilant pelage,

Et tu te dresses lumineux à travers l'air

Comme une tour d'albâtre aux créneaux d'argent clair.

 

 

Cherchez mon bien-aimé, ô tremblantes gazelles

Qui bondissez frôlant le silence des bois;

Cherchez mon bien-aimé, fauvette et tourterelle

Et rossignol pensif dont s'éplore la voix.

 

Cherchez mon bien-aimé, plainte du vent qui erre

Par les noirs oliviers courbant leurs troncs retors;

Par la ville déserte où sommeillent les pierres,

Cherchez mon bien-aimé, gardiens des portes d'or!

 

Dans les soupirs flottant aux corolles des roses,

Les langoureux frissons qui bercent les lilas,

Aux marches de mon seuil sous les étoiles roses,

Est-ce mon bien-aimé dont bruissent les pas?...

 

Par l'Amour, 1904.



22/08/2012
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