Marie Dauguet

Les pâquis

Les pâquis

J'aime, allumé par un berger,
Le feu âcre auprès d'une haie
Qui tremble en la brume plongé
Et qu'un vent humide balaie,
Diluant sa rougeur de plaie
Au long des chaumes ravagés.

J'aime, remplis d'herbe flétrie,
De raves et de haricots,
Traversant la plaine assombrie
Et se hâtant, les chariots
Dont s'entendent les lourds cahots
Dans la boue et l'essieu qui crie.

J'aime les grands pâques fangeux
Avec leurs carrières de sable,
Leurs ajoncs près des trous marneux
Et leurs routes interminables
Où des paysans misérables
Passent en conduisant leurs bœufs.

---

J 'aime ce pays sans beauté,
Mais que mon songe idéalise:
Pâquis par l'hiver dévastés,
Genêts flétris, broussailles grises,

La plaine déroulant ses plis
Et qu'un horizon pluvieux borne,
Et les fossés avec leurs lits
Vaseux, où dort un peu d'eau morne;

Sous l'arche du vieux pont lépreux,
Heurtée à la berge qui croule
Dans l'ombre d'un saule chanceux,
Sourde, l'eau qui pleure et roucoule.

Une barrière aux ais cassés
Où la brume à pendu ses hardes,
Des lignes de joncs effacés
À l'entour des mares blafardes;

Entr'ouvrant au rêve qui meurt
Comme une profondeur de tombe,
J'aime, sans parfum ni rumeur,
La nuit insensible qui tombe.

Pâques d'Hautevelle,
Octobre 1902

Par l'Amour, 1904


04/08/2012
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