Les pâquis
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Les pâquis
J'aime, allumé par un berger, Le feu âcre auprès d'une haie Qui tremble en la brume plongé Et qu'un vent humide balaie, Diluant sa rougeur de plaie Au long des chaumes ravagés. J'aime, remplis d'herbe flétrie, De raves et de haricots, Traversant la plaine assombrie Et se hâtant, les chariots Dont s'entendent les lourds cahots Dans la boue et l'essieu qui crie. J'aime les grands pâques fangeux Avec leurs carrières de sable, Leurs ajoncs près des trous marneux Et leurs routes interminables Où des paysans misérables Passent en conduisant leurs bœufs. --- J 'aime ce pays sans beauté, Mais que mon songe idéalise: Pâquis par l'hiver dévastés, Genêts flétris, broussailles grises, La plaine déroulant ses plis Et qu'un horizon pluvieux borne, Et les fossés avec leurs lits Vaseux, où dort un peu d'eau morne; Sous l'arche du vieux pont lépreux, Heurtée à la berge qui croule Dans l'ombre d'un saule chanceux, Sourde, l'eau qui pleure et roucoule. Une barrière aux ais cassés Où la brume à pendu ses hardes, Des lignes de joncs effacés À l'entour des mares blafardes; Entr'ouvrant au rêve qui meurt Comme une profondeur de tombe, J'aime, sans parfum ni rumeur, La nuit insensible qui tombe. Pâques d'Hautevelle, Octobre 1902 Par l'Amour, 1904 |