La gerbe
La gerbe
Je ressemble au bouleau humide sous la pluie,
Au frêne désséché que drape au bord de l'eau
Le salissant brouillard de ses voiles de suie;
Mon âme a la couleur d'un vieux tombeau.
Je suis le naufragé cramponné au radeau
Que la vague, linceul, de ses longs voiles essuie;
Mon coeur que le labeur trop lourd de vivre ennuie,
Comme un galérien courbé sous un fardeau,
Succombe et se révolte en la fadeur des choses.
Et me voici, fantôme assis sur un tombeau,
Groupant entre mes doigts, dernier bouquet de roses,
La gerbe de mes désirs morts. - O noirs corbeaux,
Parmi le ciel flétri promenant vos ténèbres,
Autour de ma pensée, errez, troupes funèbres!
Par l'Amour, 1906