Les gnômes
Frissons
Les gnômes
A Monsieur Henri Aimé.
Par les genêts rabougris,
A travers le soir fantasque,
Dansent rieurs sous leur masque,
Des gnômes en pourpoint gris.
Les prés d'argent et de nacre,
Avec leurs saules noyés,
Exalent un parfum acre
Au long des bois défeuillés.
Le flot déroule blanchâtre
Ses silencieux remous,
Entoure les troncs d'albâtre
Des bouleaux maigres et flous.
Mêlés à l'ombre se taisent
Les spectres des buissons fous;
Des couples qui s'entrebaisent
Surgissent on ne sait d'où.
Il monte une odeur amère,
En tourbillons bleuissant,
Du gouffre des estuaires
Sournoisement menaçant.
Le vent cruellement âpre
Gerce le flot qui se plaint
Et que la lune diapre
De fleurs aux pâleurs d'étain.
Comme tout se fait étrange!
La nuit s'agite et s'émeut,
Et, glissant parmi la fange,
Au long des pâquis tourbeux,
Dansent rieurs sous leur masque,
Sinistres et rabougris,
A travers le soir fantasque,
Des gnômes en pourpoint gris.
Par l'amour, 1904.