Marie Dauguet

La lande

Frissons

 

La lande

 

Maléfique, voici la mare

Que l'ombre tremblante bigarre.

Reflets de lune en verts glacis,

Par la lande qui se dénude

Etalant sa décrépitude

Glissent sur les ajoncs moisis.

 

Le réel absurde s'évade;

La chaotique cavalcade

Surgit des fantômes dressés

Sous les tâtonnantes étoiles

Dont le vent écarte les voiles,

Surgit aux lointains effacés.

 

Comme un encensoir la braise,

Leur coeur flambant que rien n'apaise,

Pas même le tombeau, reluit

Au creux sombre de leur poitrine;

Des gestes brûlants se devinent

Dont l'éclair traverse la nuit.

 

Brisant les dalles et les pierres,

Dénouant les rameaux des lierres,

Les amants ont joint leur essor,

Comme les mélèzes frémissent,

Les lèvres ardentes bruissent

Se baisant par delà la mort.

 

Froissant le houx et la bourdaine

L'âpre galop qui les entraîne,

Rapproche genoux à genoux

Et vertèbres contre vertèbres

Les spectres vêtus de ténèbres

Et secoués de spasmes fous.

 

La lande étangement fermente...

Plus que toi la mort est clémente

Dont s'entr'ouvre parfois le seuil.

O vie amère!... - D'écarlates

Roses, d'oeillets et d'aromates.

Que l'on remplisse mon cercueil!

 

D'un linceul aux blancheurs de soie

Qu'on m'enveloppe, que je sois

Prêt aux réveils extasiés;

Que vainqueur de la mort, j'étreigne

Mon rêve à cette heure où se baigne

La lune par les verts bourbiers.

 

Par l'Amour, 1904



23/08/2012
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