La tour
Le sens de la vie
La tour
La tour sinistrement de marbre noir
au fond de ma pensée se dresse,
comme en détresse,
vers le ciel d'ombre et de désespoir.
La Tour de marbre noir poli
dessine ses machicoulis
et son pont levis et sa herse
de luisant acier sous l'averse.
Les princesses en des voiles noirs
encadrant leur pâleur d'albâtre,
les pieds glacés au bord de l'âtre,
filent la toile de leur linceul.
Nul chevalier et nul servant,
ni mandoline, ni viole.
Seul, au bas des portes closes, le vent
chuchote de maléfiques paroles.
Quel ennui morne vous excède,
Vierges!... Voici la chanson tiède,
dont l'écho vous arrive de loi,
des cailles parmi le sinfouin.
Regardez aux judas grillés
s'entrouvrir les bleuets mouillés
dedans les blés.
Chantez les flûtes et les sistres
à l'entour du donjon sinistre,
le doux Amour tendre et mystique
passe en sa verte dalmatique.
Mais les princesses sont fanées
comme la flamme au fond de l'âtre
où se chauffaient leurs pieds d'albâtre,
Amour,Amour, dans les avesnes
fraîchement fauchées,
disperse ta claire chevauchée
sans frapper à la porte vaine!
Par l'Amour, 1904.