Marie Dauguet

La vieille église

La vieille église

 

Vieille église en prière au bord du firmament,

Je m'assieds à ton seuil, dont la douceur me tente

Autour de moi plus rien qu'un étincellement

Soyeux; la solitude, et cette odeur de menthe.

 

Tu domines l'espace où rêvent les vents bleus,

Les prés couleur de ciel, les seigles en javelle

Le primitif village, avec ses toits rugueux,

Et le temps et mon coeur, toute la vie réelle.

 

La bourrache azurée, que le soleil étiole,

Du serpolet séché, des remous d'herbe folle,

Où des papillons bleus frissonnent enlacés,

Entourent ton portail et ses pavés cassés.

 

Sur des coquelicots, brusques taches vermeilles,

La molène élevant partout ses thyrses d'or,

S'alentit la chanson fluide des abeilles

Qui bercent le sommeil millénaire des morts.

 

Car on découvre encor, dont s'orne ta muraille,

Des dalles où l'on voit dormir des chevaliers,

Très dignes sous le casque et la cotte de maille,

Avec leur chien fidèle assoupi à leurs pieds.

 

Et, baume caressant la trace des cilices,

Parmi le grand silence, à ton porche arrêté,

Aujourd'hui le soupir frais d'un orgue est monté,

Jusqu'à l'âme, portant ses langueurs séductrices;

 

Quand je rêve à ton seuil, ayant soif, ayant faim

D'Idéal, mendiant que la misère écrase,

Comme il coule à plein flots sur mes plaies en extase,

Le baume guérissant du Bon Samaritain.

 

Les Pastorales, 1908.



02/11/2012
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