Mes boeufs tristes
Mes boeufs tristes
Mes boeufs tristes s'en vont, cou tendu et naseaux
Dilatés, par les champs dure que leur sabot brise;
Ils marchent frissonnant sous le grossier manteau
De toile où s'introduit, navrant leur flanc, la bise.
Aux pierres des échos l'air glacial aiguise
Infatigablement ses perçants javelots
Et tout à coup des giboulées glauques et grises
S'écroulent sur nous avec un bruit de grelots.
Des heures, patients, nous labourons pourtant,
Alignant les sillons, décrivant la tournière,
Mais sans rien espérer de la vie et du temps.
Sous la nue, qui toujours plus âprement se fonce,
Mon coeur est déchiré comme la glèbe amère
Où le soc des charrues cruellement s'enfonce.
Les pastorales, 1908