(O lune qui t'endors...)
Cantiques à la lune
(O lune qui t'endors...)
A Monsieur Emile Gallé.
O lune qui t'endors á côté des charrues,
Attirant jusqu'à toi, comme d'un sein ouvert,
Les parfums du sillon et des auges bourrues
Que le soc a fendus aux premiers jours d'hiver,
Tu veilles les troupeaux, broutant près des tourbières
Le thym et les orchis aux grappes de rubis,
Et tu fais tressaillir vers ta molle lumière
Les agneaux enfermés au ventre des brebis.
Lune printannière et maîtresse des germes,
Tu exaltes l'odeur des mares croupissant
Au long des murs d'étable et des portes des fermes
Qu'estompe à ta lueur un ténébreux encens.
Tu fais goûter l'odeur, douce comme une amie,
Qui traverse les toits abritant le bétail,
Celle des boeufs repus, des vaches endormies,
De la paille froissée o'u plonge leur poitrail.
Tu provoques la forte et sereine ambiance
Qui suinte des blés roux tassés sur les greniers
Et cette odeur de paix qui donne confiance
Des meules de fourrage et des tas de fumiers.
Par l'Amour, 1904