Marie Dauguet

(Plus de ces sens bornés,...)

Printemps

 

(Plus de ces sens bornés,...)

 

Plus de ces sens bornés, étroite solitude,

Vérité ou raison, plus de frein qui jugule,

Je suis la chose enfin, je vis bien au delà

 

De mon corps méprisable, étriqué, ridicule;

Je suis parmi l'éther la lune qui circule,

Le ruisseau, ciel errant, que la nuit constella.

 

Mon âme se répand comme une onde élargie

Et ma prison s'écroule à la tendre élégie

Des ramiers amoureux perdus au bord du ciel.

 

O Nature, que j'ai souffert dans cette geôle,

Mon coeur, il me fallait l'espace où l'on s'envole,

La terre qui m'accueille au limon maternel.

 

Il me fallait l'oubli vaste que tu prodigues,

Calme fleuve étendu sans berges et sans digues;

Il me fallait pour lit la douceur des lotus

 

Et pour chevet l'odeur féconde et primitive

De la vase et des joncs pourrissant sur la rive

Où mes tourments muets à jamais se sont tus.

 

Par l'Amour, 1904.



14/08/2012
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