Prière
Prière
L'espace attend, les vents prosternés sont pieux;
La terre te désire d'une amour éperdue,
Formidable soleil, pantelant dans la nue,
Divine brute, Amant ivre et luxurieux.
Etends-toi sur la terre aux ondes cramoisies
Et verse dans nos nerfs ta rouge frénésie,
Titan fougueux; ô toi dont le visage est clair,
Que ton embrassement s'élargisse dans l'air.
La lumière vibrant, s'étale, Porte-lyre,
A tes pieds. L'univers extasié t'admire,
Hélios, trébuchant pour qui nous languissons;
Dieu pesant sur les corps comme sur les moissons.
La terre, en la clarté vivante qui la tâte,
Exhale un pourpre encens; de roses aromates
Ont suinté de ses flancs aux belles pâmoisons;
L'espace effervescent n'est plus qu'un seul frisson.
Ma chair flambe à l'égal des glèbes triomphantes,
Mon coeur s'écrie en moi comme un orgiophante;
Sa louange fervente ineffablement monte;
En son hymne embaumé, le désir se raconte.
Ephèbe éblouissant, et dont le geste est fort,
Fils du vieil Ouranos, que ta vigueur éclate;
Que de ton suc ardent, les épis écarlates
Se gonflent, fécondés; que fuie sous ton effort
L'ombre mystique, Hélios! Et puisse-t-il te plaire
D'accorder une vie douce comme le miel,
Sage comme le feu brûlant sur ton autel
A ceux qui sont initiés à tes mystères.
Les Pastorales, 1908