Printemps
Printemps
Le soleil neuf du matin,
Dans sa blondeur,
Dans sa candeur,
Le soleil pose
Sur les choses,
Et la rosée qui les décore
Et tremble dans l’air suspendue,
Un givre d’or.
Les objets n’ont pas de contours
Dans la campagne…sans frontière…
Ils fondent parmi la lumière
Dont l’afflux trébuchant les agite.
Les objets n’ont pas de contour,
D’une translucide matière;
Le soleil aux blondes paupières
Partout les baise avec amour.
Nulle opacité… tout s’aère
Les ombres sont claires…très claires,
Par taches, en tremblants filets
Et du ton léger des bleuets.
Un prisme errant se pulvérise;
Adorable confusion
De chaque objet et du rayon
Qui le pénètre et qui le grise.
Mon coeur s’ouvre dans la clarté
Aromatique et musicale,
Lune (,) ferme la fleur d’opale,
Vibre en nous, soleil enchanté.
II
Parmi les cieux, le Soleil croît, vaste rubis
Arborescent, et le charme est rose et la terre
Fume et sent bon; comme une toison de brebis,
La rue est douce, et tendrement dans la lumière,
Hors des sillons brillants que tant d’ombres noyèrent,
L’alouette répand sa voix; en vers (verts?) habits
De mousse éclatant, voici qu’à vos lisières,
Bois en amour, j’entends frémir sous les subits
Elans de la sève nouvelle, frênes et aulnes;
J’entends le glissement sournois des orvets tors
Qui vont tresser en caducées vibrants leurs corps,
Flûter les crapauds dont battent les gorges jaunes
Au travers du fleurissement des anémones;
Et toi, mon coeur, sonner ton luth aux cordes d’or.
Publié dans la revue "Pan", de Jean Clary, avril-mai 1913