A la nuitée
A la nuitée
O coeur ténébreux, par les soirs bleuâtres,
Ecoute chanter, lente et bucolique,
La flûte lointaine aux lèvres d'un pâtre,
A travers les pâquis mélancoliques.
Ecoute bramer confus les troupeaux
Dans l'étable close où dort le berger;
S'égoutter l'écluse et, grelot léger,
Teinter en mineur la voix des crapauds.
Le long de la rive, écoute l'eau morte
Qui sournoisement roule les cailloux
Et courbe les joncs, la menthe et le houx,
Au gré des remous dont le cours avorte.
Demande à la nuit où s'en fut ton âme.
Passant, vibre-t-elle aux noirs peupliers?
Est-elle sous l'eau, que la lune étame,
Le cri gazouillé des rauques graviers?
Moulin des Oiseaux, 10 août 1901