En la mousse dessous les chênes
En la mousse dessous les chênes
En la mousse dessous les chênes,
Dont la sève envahit les troncs
Et fait s'échapper les bourgeons
Vermeils de leurs gluantes gaines,
Tu es étendu, beau Silence,
Et je t'écoute respirer
Avec la forêt que nuance
Tendrement le vent azuré!
Avec la mousse violette,
Où rôde un soleil blondoyant,
Et qui protège, s'enfuyant,
Le cours d'une source muette.
Et moi je partage ta couche,
Sous les chênes, parmi la mousse;
Je la bois, ton haleine douce,
Je t'ai sur mon coeur, sur la bouche.
Prolonge notre embrassement,
Dans cette heure où les tourterelles
S'unissent en luttant des ailes,
Mais taisent leur roucoulement.
A toi, Silence, dieu secret,
- Comme le ciel et la forêt
Et pareille à la saison ivre,
Qui t'ouvre les bras - je me livre.
Tu me dispenses fervemment
Une volupté souveraine
Et je sens ton ruissellement
Se confondre au sang de mes veines.
Par le bois d'or léger vêtu,
O beau Silence, mon amant,
Dormons lèvre à lèvre, veux-tu,
Heureux comme des éléments?
Les Pastorales, 1908.