Viens
Viens
Viens dans l'odeur du froment mûr
Qui se dilate dans l'air pur
Et flotte aux contours des chemins;
Perdus sous les épis moirés,
Nous la prendrons entre nos mains
Comme un morceau de pain doré.
Viens dans l'odeur des pâturages,
Où les troupeaux s'en vont rêvant,
Limpide et tranquille breuvage
Bu à la coupe d'or du vent.
Viens dans cette odeur admirable
Et tel un idéal chant d'orgues,
Qu'on savoure au fond de l'étable
Où l'âme des prés fauchés vogue;
Où respirent si noblement,
Alors que ma main les délie,
Après leur besogne accomplie,
Mes deux grands boeufs doux s'endormant,
Le flanc dans la paille fleurie.
Chants d'orgues ou torpeurs d'encens,
C'est un baume aux lentes caresses,
Pansant nos désirs gémissants;
C'est un élixir de sagesse,
Dont s'enchante l'âme marrie,
Viens dans l'odeur de l'écurie.
Les Pastorales, 1908.