(Et mon coeur...)
Jadis
(Et mon coeur...)
Et mon coeur ,n'était pas cette crypte effritée,
Mais, pleine de soleil,
La tour d'albâtre clair tendrement visitée
Par les rayons du ciel.
Et mon coeur n'était pas la chapelle déserte
Et qu'encercle le houx,
Que le vent de la nuit, sentant l'ogive ouverte,
Parcourt à pas de loup.
J'étais auprès de vous l'hirondelle blottie
Au creux de votre main,
Par vos doigts caressée et de grâce nantie,
Jésus, l'amant divin.
Je ne soupirais pas, ô Nature insensible,
Serve de ta beauté,
Mais je sentais Jésus, proche, tiède, tangible,
En toute vérité.
Je te vois sans pitié, Nature, il m'était tendre,
Et je lui parlais bas,
Et tous mes vains désirs, il savait les comprendre,
M'ouvrait larges ses bras.
Je me souviens des plis de sa robe de bure,
Pour les avoir pressés,
Je me souviens d'avoir goûté sa chevelure,
Molle sous mes baisers.
Je l'ai porté, sorti tout saignant du sépulcre,
Nature, je l'aimais,
Mieux que ton avril doux de pollen et de sucre,
Mieux que toi, je l'aimais.
***
Ils m'ont volé ma foi, ils m'ont volé ma joie,
Ceux qui t'ont fait comme eux,
Jésus, féroce, étroit, le méchant qui rudoie
Le publicain peureux.
Ils ont dans leur orgueil repeint à leur image
Ton profil idéal,
Noué d'un doigt brutal à ton divin visage
Le masque de Baal.
Ils m'ont ravi ta face, ils ont volé ma joie,
Comme des louveteaux.
Ils ont volé ma foi, comme l'oiseau de proie
Entraînant un agneau.
18 octobre 1901