Toussaint (Brumaire)
Brumaire
Toussaint
Voici les cloches en deuil,
Marteaux clouant des cercueils,
Voici les cloches en deuil.
Oh! la pauvre âme isolée,
Au fond de quelle vallée,
Triste, s'en est-elle allée?
Loin de nos bras, tant de pas
Pour les conduire au trépas;
Loin de nos coeurs tant de pas
Font les spectres quand il vente
Et vont drapés d'épouvante,
Si rapides quand il vente.
Dans le clocher c'est l'effroi
Qui commande comme un roi,
Dans le clocher, quel aboi!
Horde que le vent torture,
Les guivres à l'aventure
Hurlent au bord des toitures.
Mais eux si chers, où sont-ils?
Oh! que nos coeurs sont subtils
Pour deviner où son t-ils?
Ils ont glissé sur la pente
Avec des yeux d'épouvante,
Ils ont glissé sur la pente.
Oh! la neige comme un drap,
Où semblent s'ouvrir des bras
Qui écartaient des draps!
C'est vous, caresses si proches,
Qui brisez pierres et roches
Pour nous revenir si proches.
Où donc, pauvres linceulés,
Vous cherchez tant esseulés,
Par les cieux noirs envolés?
Au fond de quelle saulée
Panser vos ardentes plaies,
Au fond de quelle saulaie?
Où donc sont emprisonnés
Les cris de vos coeurs brisés,
Où sont-ils emprisonnés?
Par où monter ou descendre,
Pour saisir un peu de cendre,
Par où monter ou descendre?
Voici les cloches en deuil
Qui ramènent des cercueils
Entr'ouverts à chaque seuil.
Voici les cloches en deuil!
1er novembre 1900