(Il est des odeurs...)
Cendres et pourpres
(Il est des odeurs...)
A Monsieur Sully-Prudhomme
Il est des odeurs de silence,
Des odeurs de sérénité,
Où le soir tout entier condense
Sa muette limpidité.
Il est des odeurs où s'éplore
L'infini des bois, où languit
L'eau dormante, d'où s'évapore
L'âme profonde de la nuit.
Il est des odeurs d'amertume
Au long des marais dérivant,
Vieux filtres qu'autrefois nous bûmes,
Vides comme un baiser du vent.
Il est des odeurs si fluides
Et jusqu'au bord de l'inconnu
Nous conduisant, étranges guides
Dont on n'entend pas les pieds nus.
Il est des odeurs délaissées,
Qui nous tendent comme des bras,
Branches, feuillage, âmes froissées,
Pleurant sourdement, parlant bas!
La Gouvets, octobre 1900