(J'ai trop cueilli...)
(J'ai trop cueilli...)
J'ai trop cueilli les soirs brûlants
Aux buissons de pourpres carouges,
Trop goûté, poison virulent,
L'ardeur des couchants de fer rouge.
J'ai trop cherché d'astres aux cieux,
Reflété des minuits trop vastes;
J'ai trop ouvert mes larges yeux
A la lune qui les dévaste.
J'ai trop follement lacéré,
Par l'espace inconnu, les voiles
Qui masquent, mensonges sacrés,
Les flèches dures des étoiles.
J'ai blessé trop au grand soleil
La rose aux fragiles nuances,
Qui s'inclinait vers mon sommeil.
La rose de mes ignorances.
Mais aujourd'hui, je suis de ceux
Qui, tout au fond de leur chaumière,
Ont mis leurs deux mains sur leurs yeux
Pour mieux oublier la lumière.
S'il est un coin mystérieux
Parmi la forêt qui m'abrite,
J'irai d'un pas silencieux,
Fantôme accomplissant un rite,
Puiser l'eau noire que soustrait
La mousse à l'aube meurtrière,
Et boire un peu d'ombre au secret
De sa fuite sous la bruyère.
Le Beuchot, 18 novembre 1901