Je te salue ô Feu
Je te salue ô Feu
Je te salue, ô dieu premier né, Feu sacré!
Quand tu parais au ciel les collines bondissent
Et leurs croupes fumant et haletant blondissent.
Je te salue, ô Feu, toi qui m'as engendrée.
Je baise ma main et t'adresse mon baiser,
O dieu splendide assis sur ton trône écarlate
Et pour te louanger mon coeur fervent éclate
Comme la rose éparse hors du bouton brisé.
Je te salue, ô Feu, alors que l'ombre hagarde
Disparaît sous tes pas tonnants et radieux;
Je te salue, ô Feu, avec le cri que darde
Le coq: javelot pourpre ensanglantant les cieux.
Je te salue, ô Feu, toi qui mugis; ô Verbe
Gigantesque épandu dans l'éther étourdi.
Ton geste impérieux, vers les êtres brandi,
Incline avec nos coeurs l'yeuse, le chêne, l'herbe.
Je te salue, ô Feu, comme jadis l'ont fait
Mes pères amoureux, caressés par ta flamme;
Vers ton brasier géant, je projette mon âme,
Qui, dans son noir cachot, ma chair vaine, étouffait.
Je te salue, ô Feu viril qui me pénètre,
Amant cher, tiaré d'or clair et de rubis,
Avec la même voix que mes lointains ancêtres
Dans la plaine aryenne où passaient leurs brebis,
Je te salue, ô Feu, face auguste de l'Etre.
Les Pastorales, 1908.