L'homme à la source - Au bord de l'ombre
Au bord de l'ombre
L'homme à la source
Sur un dessin de R.
Et je t'ai vu, mon coeur, tout au fond de moi-même,
Tel un spectre noirci, les yeux voilés de rides;
Tel un charme pierreux sous des rayons arides,
Où plus rien ne verdit des épis que l'on sème.
***
Te voici, poussière, qui dans le vent essaime,
Fontaine sans murmure à la margelle vide,
Pour avoir reflété trop de clarté perfide
Et le fantôme vain de tout ce qui nous aime.
L'heure de vérité autour des dalles pousse
Et nulle fleur n'y croit que des chardons d'acier.
Il n'est plus temps d'aller, les pieds nus sur la mousse,
Plonger à deux la coupe au flot extasié!
Amour, l'onde a quitté le marbre qui se brise
Lasse enfin de mirer ta face de traîtrise.
A travers le voile, 1902