Marie Dauguet

La Moisson 5

La Moisson 5

 

Je veux à la saison voluptueuse des blés

           Habiter la plaine flambante,

           Parmi les épis affolés,

           Au soleil qui les ensanglante.

 

Habiter l'espace en vertige où la clarté

           S'écroule en cataracte d'or,

           Terre sur tes flancs agités,

           Sur tes blés au fluent essor.

 

Mon être, palpitante cendre, ardent limon,

           Partage, ô terre, ta jouissance

           Et mon bonheur humain s'y fond

           Comme un fleuve en la mer immense.

 

Et toi, je n'ai pas peur de toi, criant soleil,

           Dieu furieux, archer terrible,

           Et qui, mêlé aux blés vermeils,

           Semble choisir mon coeur pour cible;

 

Mais vois.. je t'aime... je te provoque et m'étends

           A travers les moissons augustes

           Où tombent tes clartés robustes,

           Où pleuvent tes dards éclatants.

 

*

 

Pauvres petites gens, chétivement pensant,

Courante humanité, comme je vous ignore;

Et vous, logis étroits qu'on dresse et qu'on décore,

Aux volets clos, je vous dédaigne extrêmement.

J'habite le soleil, les parfums et le vent,

Qui s'élance parfois comme une haute tour,

Ou me balance dans l'éther, hamac soyeux.

Ma maison? C'est du ciel. Mon amant? C'est l'Amour:

Et j'ai pris pour amis les bêtes et les dieux.

 

Les Pastorales, 1908.



12/11/2012
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