Marie Dauguet

La porte

Le sens de la vie

 

La porte

 

Parmi les vains chemins de cendres et de sable

Et les fauves soleils à l'éclat meurtrier,

Nous avons marché vers toi, Porte redoutable,

Qui fermes l'horizon de tes battants d'acier.

 

Ton métal flamboyait, tel le glaive de l'ange;

Emportant en nos coeurs l'espoir comme un bleuet,

Nous allions fascinés par ta splendeur étrange

Dans la dure clarté qui nous exténuait

 

Et plus nous approchions, plus tu semblais géante,

Assujettie au roc, faite d`éternité,

Reflétant les couchants à ta face sanglante,

Incarnant du Destin l'impassibilité.

 

Aujourd'hui nous voici les doigts à tes ferrures

Et les pieds à ton seuil hérissé de chardons,

Essayant vainement nos clefs à tes serrures,

Attaquant du ciseau tes impeccables gonds;

 

Nous voici, suppliants que navre ton obstacle,

Sur la rouge colline au sol d'aridité,

Ebranlant ton silence, espérant le miracle

Que depuis sa naissance attend l'humanité.

 

Nos gestes sont dolents, nos poitrines creusées

Pour avoir trop heurté l'airain de ton vantail

Où la chair de nos mains saignantes s'est lassée

Au cours d'un inutile et décevant travail.

 

De lents éplorements, des pleurs, des bras en rêve

Des groupes sous la toge et d'autres sous le froc...

Un incessant effort vers toi qui se soulève,

S'effondre en t'abordant, porte scellée au roc...

 

Tandis que, dominant la foule, oiseau de proie

Guettant quel Prométhée en ses ongles saisir,

Parmi le ciel brûlant obscurément tournoie,

Tel l'antique vautour, l'immuable Dèsir!

 

Par l'Amour, 1904.



15/08/2012
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