La sagesse des parfums
Parfums (4)
La sagesse des parfums
A Monsieur Camille Mauclair.
Vieilles écorces nécrosées
Que des suintements verts enduisent,
Lichens, mousses décomposées
Où des baves d'argent reluisent,
Vernes au ciel de pluviôse
Emmêlant, spectres affolés,
Vos troncs aux pourpres ecchymoses
Et que la serpe a mutilés,
Dispersant vos branches moisies,
Répandez vos philtres, ma chair
Réclame votre anesthésie,
Allégeante morphine, éther.
Que loin des langueurs bestiales
Et du vouloir-vivre importun,
Me plonge en une paix claustrale
Votre torpeur morne, ô parfums.
Bouquets d'anémiques astères
Brouillant au cours des eaux flétries
Des pâleurs mauves de paupières
Que l'ardent amour a meurtries,
Rosiers diaphnéisés,
Blêmes comme des fronts de nonnes,
Qui tendrement agonisez
Aux humides vergers d'automne,
Distillez dans le soir qui meurt
Vers nos coeurs la subtile essence,
Ainsi qu'un opium endormeur,
De vos fleurs en déliquescence;
Prodiguez, troncs velus des ormes
Qu'ont abattus les bûcherons,
Vos sourds relents de chloroforme
Et nos blessures se tairont.
Par l'Amouir, 1904