Marie Dauguet

La sagesse des parfums

Parfums (4)


 

La sagesse des parfums

 

A Monsieur Camille Mauclair.


 

Vieilles écorces nécrosées

Que des suintements verts enduisent,

Lichens, mousses décomposées

Où des baves d'argent reluisent,

 

Vernes au ciel de pluviôse

Emmêlant, spectres affolés,

Vos troncs aux pourpres ecchymoses

Et que la serpe a mutilés,

 

Dispersant vos branches moisies,

Répandez vos philtres, ma chair

Réclame votre anesthésie,

Allégeante morphine, éther.

 

Que loin des langueurs bestiales

Et du vouloir-vivre importun,

Me plonge en une paix claustrale

Votre torpeur morne, ô parfums.

 

Bouquets d'anémiques astères

Brouillant au cours des eaux flétries

Des pâleurs mauves de paupières

Que l'ardent amour a meurtries,

 

Rosiers diaphnéisés,

Blêmes comme des fronts de nonnes,

Qui tendrement agonisez

Aux humides vergers d'automne,

 

Distillez dans le soir qui meurt

Vers nos coeurs la subtile essence,

Ainsi qu'un opium endormeur,

De vos fleurs en déliquescence;

 

Prodiguez, troncs velus des ormes

Qu'ont abattus les bûcherons,

Vos sourds relents de chloroforme

Et nos blessures se tairont.

 

Par l'Amouir, 1904



09/08/2012
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