La sagesse des verts
La sagesse des verts
Verts cendreux, flétris, effacés
Et qui niez l'intensité
De vivre, comme un coeur lassé
Epris d'ombre et de cécité,
Verts des mousses à la racine
D'un vieil érable desséché,
Sourds autant qu'un sanglot caché
Mourant au creux de la poitrine.
Nuance vraiment d'un mystique
Pénétrant, rappelant la fine
Tonalité des dalmatiques
Qu'un reflet de cierge satine.
Et verts, pourtant inconsolés
Sous le ciel d'hiver impassible,
Parlant de désirs immolés
Et de rêves inaccessibles
Ou que le réel étouffa...
Vert mélancolique et d'antan
Qu'ont les gourgouran de sopha
Ou les menuets chevrotants
Au fond du passé; verts des mousses
Qui parez cet arbre chancreux,
Vous scandez, accord qui s'émousse,
Un langage mystérieux.
Mais, ô paroles estompées,
J'ai saisi vos subtilités
Et je comprends vos mélopées
De tristesse et de volupté,
Verts cendreux, effacés, flétris
Et qui niez l'intensité
De vivre, comme un coeur épris
De néant et de cécité.
Par l'Amour, 1904