(Nous irons dans les bois...)
(Nous irons dans les bois...)
Nous irons dans les bois silencieux et doux
Au glissement des feuilles mortes
Et nos baisers seront silencieux et doux
Comme le bruit des feuilles mortes.
Pémètre-t-on jamais, tant vont se dissolvant
Les baisers fervents que l'on rêve,
Si l'on vit, si l'on pense ou si, parmi le vent,
On est la cendre qu'il soulève?
Le songe luit parfois et tel un bref éclair,
La certitude qu'on vous aime,
Puis on dit: " Je ne sais si la chair de ma chair
Est mienne ou bien reste elle-même.
La bouche qui sourit est la même qui ment;
Demain le coeur de ma maîtresse
Sous d'autres mains aura le divin tremblement
Qu'il eut jadis sous mes caresses.
Le regard qui promet est le même qui ment;
Le même baiser peut éclore
Pour d'autres sur sa bouche et le même serment
Monter aux lèvres que j'adore."
Nous irons dans les bois silencieux et doux
Où se meurent les marjolaines,
Et parmi le brouillard silencieux et doux
S'effaceront nos formes vaines.
Par l'Amour, 1904