(Languir et s'écouler...) Brumaire
Brumaire
(Languir et s'écouler...)
Languir et s'écouler dans ta morne atonie,
Nature, quand l'hiver éparpille aux revers
Des talus, aux étangs, par les sillons déserts
Sa brume monotone en houles infinies.
A l'heure ensorcelante où sur l'éteule grise
Se presse à pas confus la masse d'un troupeau,
Qui va broutant la nuit; quand, au vague rideau
Des peupliers, murmure une insensible brise,
Agitant mollement les branches sommeilleuses,
Errer comme la lune au fouillis bleu des guis,
Comme au marais pensif, un filet d'eau qui fuit,
Comme du chabon sec, la gaine duveteuse;
Pendant que, tout à coup, dans l'odeur de la vase,
balancé aux remous du liquide brouillard,
Et, large, s'éployant sur la campagne rase,
S'enlève lourdement le vol d'un balbuzard.
Bar-sur-Seine, 30 novembre 1901