Le gueux
Les heures sauvages
Le gueux
J'aime accrocher mes pas au lierre et à la rose
Et joindre en mes bouquets l'ajonc au romarin,
J'aime l'odeur amère et forte des sapins
Quand au vent pluvieux leur branchage se fonce.
La sauvage forêt m'accueille où je m'enfonce,
Douce en son âpreté à mes désirs sans freins,
Et j'y marche, oublieux des maigres boulingrins
Et des jardiniers fous alignant leur quinconce.
L'heure est bonne! Je veux boire au creux de ma main
Son flot est clair, sans souci de l'ultime demeure;
Car je suis ce Passant qui, loin du grand chemin,
Pensif et souriant à tout ce qui nous leurre,
Erre par le sentier que nul pied n'a foulé,
Mordant à son bonheur comme en un fruit volé
15 août 1901
A travers le voile, 1902