Le premier baiser
Les baisers
Le premier baiser
A Monsieur Abel Hermant.
Le couple s'éloignait, fait d'ombre et de souffrance,
Au fond du ciel durci et comme dévasté
Profilant sa fragile et mince nudité,
En marche vers la mort et la misère immense,
Mais enfin libéré de sa morne innocence.
Comme on porte un enfant, vers son coeur révolté
Adam soulevait Eve et la berçait. L'été
Répandait autour d'eux sa torpide fragrance.
Dans l'âpreté du sol, au fouillis des ronciers,
Des pervenches s'ouvraient qu'ensanglantaient leurs pieds,
La couche s'étalait des rugueuses mélisses,
Et c'est alors que fut ardemment échangé,
Pour la première fois en de lentes délices,
Le baiser de la chair et qui fut un péché.
Par l'Amour, 1904