Le printemps des bergers
Le printemps des bergers
O Printemps, tu reprends ton fifre bocager
Aux chants de la mésange et du ruisseau léger;
Je t"coute et je ris jusqu'au fond de mon âme,
Tant l'azur est charmeur et tant souplement rame
Le vent, bleu nautonier penché sur les forêts,
Qui sont des fleuves lourds et déroulant auprès
Du ciel leurs flots pressés. Je ris de ton agreste
Et sensible chanson, doux printemps des bergers,
Qui t'assieds dans les prés et leur calme céleste,
Près des troupeaux heureux, en leurs rêves plongés.
L'herbe est jeune, on dirait le duvet d'une joue;
Ton regard innocent et lumineux s'y joue.
De grands frissons moirés, tout à coup y passant,
Créent pour l'oeil attentif un rythme délassant
Et les coeurs, entr'ouverts, à la brise câline,
S'emplissent du parfum vert, aigu et si fin
Qui monte de la haie d'azur et d'aubépine,
Ou (Où?) du linge séchant met des blancheurs de lin.
Printemps suave, ô dieu dont les pâtres honorent
Les gestes précieux, couronne leur espoir.
Rends l'herbe plus épaisse et plus tendre sa flore,
Pour que la chèvre ardente attire le bouc noir
Et docile se prête à l'étreinte féconde;
Grâce à toi, que bientôt à sa mamelle blonde
Se suspendent, gorgés d'un lait pur, deux chevreaux;
Que s'allume le sang des mugissants taureaux
Et que sous ta clarté et ta chaleur et ta chaleur complices,
Cèdent à leurs fureurs les plus belles génisses.
Les Pastorales, 1908.