(Les croix, Les croix...)
Les croix
Les croix, les croix, les croix, toutes les croix des chemins,
Au pied desquelles les mendiants mangent leur pain,
Les croix, les croix, toutes les croix des chemins.
Les croix, les croix solitaires près des mares
Et dans l'odeur de la mousse qui les bigarre,
Les croix, les croix solitaires près des mares.
Les croix qu'on élève en l'honneur des noyés,
Que le remous louche et sournois vient épier,
Les croix qu'on élève en l'honneur des noyés.
Les croix tout de travers au coin d'une lande,
Où pendent des ex-voto et des guirlandes,
Les croix tout de travers au coin d'une lande.
Et les croix qu'on rencontre aux endroits perdus,
Près des étangs déserts et des chênes tordus,
Et les croix qu'on rencontre aux endroits perdus.
Les croix qu'on suspend, qu'on grave ou qu'on applique
Aux troncs des hêtres, dans les bois mélancoliques,
Les croix qu'on suspend, qu'on grave ou qu'on applique.
Les croix qui dorment à travers le passé,
Comme la croix de la forêt de Vélorcey,
Les croix qui dorment à travers le passé.
Les croix de bois sur lesquelles on peut lire:
"Seigneur, ayez pitié d'une pauvre martyre!"
Les tristes croix vers qui la douleur soupire.
3 novembre 1901
Egalement dans La Plume, 1903, p. 32-33..)