Simple chanson
Les heures sauvages
Simple chanson
Mieux que des écrins merveilleux,
J'aime la brillante rosée
Par les doigts de la nuit posée
Aux cimes des orges soyeux.
Je vous dédaigne, fleurs qu'on paie;
Mais j'aime, tendres et fluets,
Les mélilots et les bleuets
Et les chèvrefeuilles des haies.
Mieux que des rythmes très savants,
J'aime la musique où l'on pleure,
Complainte infiniment mineure,
Simple autant qu'un baiser d'enfant.
Immensément, je vous méprise,
Sottise et vanité des mots,
J'aime les stances des loriots
Enivrés du jus des cerises.
J'aime causer avec le vent,
Dont la souple parole ondoie,
Je lui dis ma peine ou ma joie,
Il me comprend mieux que les gens.
***
Aux coeurs orgueilleux je préfère,
Naïf comme un oiseau du bois,
Mais bien convaincu d'être soi,
Un coeur ignorant et sincère.
Côte de Francalmont, 6 juillet 1901
A travers le voile, 1902