Marie Dauguet

(Passe, rêve et souris...)

Au bord de l'ombre

 

(Passe, rêve et souris...)

 

A Monsieur Maurice Maeterlinck.

 

Passe, rêve et souris; surtout nulle pensée!

Evite le secret qui dort au banc de mousse,

Les pieds nus dans la source où son ombre s'émousse,

Evite le secret qui parle à ta pensée.

 

Sois l'instinct fleurissant l'âme errante du loup.

Vogue et rôde et mélange au chalumeau discord

Du vent si bucoliquement faux, ton accord.

Sous les ronciers déserts, cherche l'âme du loup.

 

***

 

Garde-toi de palper les murailles du cloître,

N'essaie pas d'ouvrir les portes vérouillées;

Mais, pour mieux oublier, jette ces clefs rouillées,

Jette avec ta douleur ces clefs au puits du cloître.

 

Reste l'inconscient, pélerin pauvre et nu,

Dont les rustiques doigts brûlent des manuscrits,

Et, pour n'en pas pleurer, ignore tous les cris

Qu'ont poussés tant de coeurs brisés vers l'Inconnu.

 

Sois le désir sans aile et l'espalier sans vigne;

Sois un peu de néant que le néant épie,

S'écoulant à travers la nature assoupie,

Sois cet hôte sans lendemain qui se résigne

 

A n'être qu'un néant que le néant épie.

 

Avril 1901



28/03/2013
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