Sous les feuillages moites et sombres
Sous les feuillages moites et sombres
Sous les feuillages moites et sombres
Des vernes, nous irons dans l'ombre,
Ecartant les gaules du poignet,
Pêcher dans le ruisseau du Moulin Greget.
L'air étalé sent bon les foins,
Et, tout au loin,
Sans doute en la chaleur qui les aveugle,
Un couple de boeufs doux, traînant un chariot, meugle.
Auprès d'un vieux mur accroupis,
Deux gamins gardent leurs brebis;
Je vois d'ici, entre les branches,
Parmi le pré, les toisons blanches.
Et l'eau fuit sur les pierres plates,
Autour de nous, en larges nappes,
Ou bien sournoisement se flâtre
Et creuse la berge noirâtre.
Sous les roncierqs, dont s'entrecroisent les arceaux,
En vifs ressauts,
Heurtant les pendantes ramilles,
Elle éparpille
Un peu d'écume.
Et j'aime à me griser de l'amertume sombre
De cette eau noire qui vire aux pieds des vernes d'ombre
Mais puisque là-bas le soir tombe,
En l'herbe lasse;
Au ciel couleur de serpolet
Que, flageolet
Rustique, la bise s'est tue,
Au soir de cendre,
Nous allons tendre,
Avec des gestes de silence,
Pour attraper des écrevisses, nos balances,
Et nous respirons alors l'odeur de notre enfance.
Les Pastorales, 1908.